Pour l’amour du livre : l’appropriation d’un livre par son lecteur

30 mai 2016

 

Introduction

Le débat autour de la lecture numérique est très vivant aujourd’hui.

Certains aimeraient opposer le livre papier au livre numérique. Ils nous parlent émotions, toucher, papier, sensualité, odeur. Ces éléments peuvent être pris en compte. Sont-ils primordiaux ? Peut-être pour certains mais dans la plupart des cas, n’achète-t-on pas un livre d’abord pour son contenu ?

Allons au-delà  de cette pseudo-opposition.

Nous allons voir qu’il y a en réalité plus de différence en réalité entre une page web, une application et un livre numérique, qu’entre un livre numérique et un livre papier.

Que se passe-t-il quand on aime un livre papier ?

Souvent on repère des passages, on le marque (au crayon pour ne pas l’abîmer), on ajoute des petits post-it sur les pages (les moins soigneux cornent la page) pour retrouver des passages.

On marque son nom sur la première page (ou on colle un ex-libris) pour pouvoir le récupérer quand on le prête. Parfois on en achète un autre exemplaire pour pouvoir le donner à  ceux que l’on aime.

Ce livre qui n’avait rien de particulier avant qu’on ne l’ait acheté, lu, apprécié, est devenu un prolongement de notre personnalité.

Alors on le range dans notre bibliothèque, à  un endroit précis, pour pouvoir le retrouver facilement.

Georges Perec et Umberto Eco, entre autres, ont écrit de beaux textes sur le rapport que l’on entretient alors avec sa bibliothèque. Ils nous ont aussi expliqué les inconvénients de certains livres, comme les magazines, impossibles à  classer, ou les livres lourds, qu’il faut lire debout, sur un lutrin.

Mais ce livre lu, marqué, annoté, classé « d’une façon définitivement provisoire » ou « d’une façon provisoirement définitive »[*] a échappé dès lors complètement à  son auteur et à  son éditeur. Il fait partie de notre vie. Il nous appartient et nous nous le sommes approprié.

Les Pages web

Lorsqu’on lit une page web, les informations sont stockées sur le serveur du site consulté.

Comment cette page peut-elle alors devenir la nôtre ? On ne peut pas marquer ses passages préférés, on ne peut pas facilement classer ses pages favorites, on ne peut pas regarder une « bibliothèque de pages web ».

Au mieux, on peut l’ajouter à  nos « favoris ». Si l’administrateur du site web décide un peu plus tard de changer l’architecture ou le contenu de son site, on se trouve alors sur la fameuse page “Error 404 – not found”, cauchemar de tout lecteur qui se respecte.

La page web appartient à  son concepteur, pas à  son lecteur.

Les applications (ou « apps »)

Sous ce titre générique fleurissent des réalités très diverses. Il nous faut distinguer pour notre propos a minima les applications-programmes des applications-informations.

Ainsi les applications pour tablettes de Facebook, eBay ou des Pages Jaunes sont des applications « programmes ». Elles fournissent une interface de navigation sensée être plus simple sur un smartphone que l’interface de votre navigateur favori sur PC ou Mac. Les données associées à  ces applications se trouvent toujours sur le serveur du site. Elles n’appartiennent pas au lecteur ; il ne peut pas faire une sélection des données qui l’intéressent et la sauvegarder. Comme dans le cas de la page Web, le lecteur ne peut pas garder l’information. Il ne peut que la visualiser, tant que le site ne la détruit pas ou l’archive pas.

Les applications-informations sont celle que l’on retrouve par exemple dans le cas des musées et expositions. Elle contiennent à  la fois les programmes (l’ergonomie, la navigation, etc.) et les informations. Le programme et les informations sont stockées sur le dispositif de lecture appartenant au lecteur.

Comme les applications contiennent les programmes, elle sont dépendantes d’un éco-système informatique identifié (aujourd’hui Androïd, iOS, etc.) et ne sont donc pas transférables d’un outil à  l’autre. Si vous téléchargez une  app » sur un iPad (iOS), les informations correspondantes ne sont pas visualisables sur votre PC. Idem entre un Mac et une app « Androïd » par exemple.

Plus grave encore, ces applications ne sont pas toujours pérennes. Écrites à  un instant t, elles ne sont pas mises à  jour et ne fonctionnent plus quelques années après. Ce qui est d’autant plus grave qu’on perd alors aussi l’accès aux informations.

Et même quand vous n’avez pas perdu l’accès aux informations, vous ne pouvez ni classer, ni filtrer les informations qui vous intéressent. Ces informations appartiennent au concepteur de l’application. Vous n’avez au mieux qu’un droit de consultation.

Quelques mots d’introduction au livre numérique

Les éditeurs proposent des livres numériques au format pdf, au format epub 2 ou epub 3.

Le format pdf n’est pas vraiment un format de lecture numérique mais un format d’impression. Un pdf n’est qu’un format papier numérisé. Lire sur un smartphone un livre dit numérique au format pdf est une expérience lecteur absolument déprimante. Adobe, le créateur du format pdf, l’a abandonné pour les livres numériques et propose le format epub depuis 2007.

Pour plus de détails, on peut lire les excellents articles de Jiminy Panoz :
http://jiminy.chapalpanoz.com/reflowable-text-et-fixed-layout/
http://jiminy.chapalpanoz.com/formater-un-livre-numerique/
http://jiminy.chapalpanoz.com/fixed-layout/

« epub » est un format ouvert standardisé pour les livres numériques. Il évolue de manière régulière. Epub 2 est supporté par toutes les liseuses et tablettes actuelles. Epub 3, plus performant, n’est utilisable que sur iBooks d’Apple et Readium de Google. Il est donc à  ce jour déconseillé de concevoir un livre au format epub 3 qui ne sera lisible que sur quelques dispositifs.

Dans la suite nous ne considèrerons que les vrais livres numériques, c’est-à -dire ceux au format epub, et de préférence au format redimensionnable (“reflowable layout”).

Les ebooks au format epub

Un ebook au format epub est lu sur un dispositif de lecture au travers d’un matériel, d’un système d’exploitation, et d’un programme de lecture (e-reader).

Les informations qu’il contient (textes, images, éventuellement sons et vidéo) sont stockées sur le dispositif de lecture du lecteur.

Un ebook n’est pas lié à  un fabricant d’ordinateurs ou un concepteur de systèmes d’exploitation ou de programmes de lecture. Il est lié à  une norme internationale et peut-être lu indifféremment sur tout lecteur (PC, Mac, Androïd, iOS, etc.). Un ebook est pérenne.

Un ebook s’adapte aux habitudes du lecteur (choix de police de taille de caractères, etc.). Mais surtout un ebook est personnalisable par son lecteur. Surlignements, commentaires et annotations sont possibles.

Dans la bibliothèque, l’ebook est classé selon la catégorie définie par le lecteur (et non par le concepteur).

Le lecteur de livres numériques s’approprie alors ses ebooks comme le lecteur de livres papier s’est approprié ses livres[**].

Livre_ebook_lien

En conclusion, l’ebook vous appartient, tout comme le livre papier, alors qu’une page web ou une application smartphone/tablette appartiendra toujours à  son concepteur. L’ebook (d’un roman mais aussi celui d’un catalogue de vente aux enchères, du press-book d’un artiste, d’un livre de voyage ou de photos) n’a donc rien à  voir avec une page web sur le même sujet.

Un ebook est rangé, comme un livre papier, dans votre bibliothèque, sans en avoir les inconvénients (place, poids, absence de fonction de recherche, etc.).

Et ensuite, quel plaisir de pouvoir emporter partout sa bibliothèque numérique avec soi !

François Blondel

25/05/2016

[*]. Georges Perec. Penser, classer, Éditions du Seuil, 2003, p. 40.

[**]. Ces avantages sont tellement importants que des programmes commencent à  exister pour transformer des pages web en ebooks afin de pouvoir se les approprier. Citons par exemple le « créateur de livres » de wikipedia (dans la colonne de gauche) ou “grabmybooks”, une extension aux navigateurs Firefox et Chrome, qui permet de créer des ebooks à  partir de n’importe quelle page web de texte. Pour les ebooks illustrés, voir les solutions de VisiMuZ Services.

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